Inde
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Inde (république de l)
Géographie physique et humaine Trois ensembles naturels constituent le territoire indien. LHimalaya, puissante barrière montagneuse, surtout présente au nord-ouest et au nord-est du pays, compte une série de sommets à 8000 mètres, dont le K2, point culminant du territoire (8620 m). La plaine indo-gangétique, plus au sud, est un ancien golfe marin remblayé de sédiments et dalluvions arrachés à la montagne par les puissants fleuves himalayens (Indus et Gange principalement). Inondable dans ses parties basses, elle se termine sur le golfe du Bengale par le plus grand delta du monde. Le Dekkan forme la partie péninsulaire de lInde. Cest un socle cristallin, élément de lancien continent Gondwana, qui a été fracturé à lère tertiaire et recouvert au nord-ouest de vastes épanchements de basalte (Trapps). Les bordures redressées de ce plateau forment les Ghats, hauteurs vigoureuses et abruptes qui dominent une étroite plaine littorale à louest (côte de Malabar), moins élevées à lest et sabaissant progressivement vers une plaine côtière plus large (côte de Coromandel et des Circars). Le climat, rythmé par la mousson, oppose une saison sèche dhiver (novembre à mai) à une saison des pluies dété (juin à septembre). On distingue une Inde humide (à louest, Ghats occidentaux, au sud, Kerala, et au nord-est, Assam, Bengale, moyenne vallée du Gange), qui concentre les plus fortes densités humaines du pays, et une Inde sèche (Dekkan intérieur, Nord-Ouest), moins peuplée mais où les irrégularités climatiques peuvent être catastrophiques. À lextrême Nord-Ouest du pays sétend un véritable désert, le Thar. Les zones de végétation naturelle forêt de mousson à teck et santal de lInde humide, qui abritait une riche faune sauvage (tigres, éléphants, buffles), épais fourrés dépineux et dacacias de lInde sèche (jungle) ont été largement défrichées. La mosaïque ethnique et linguistique de lInde découle de lhistoire de son peuplement. Aux populations autochtones de Noirs dravidiens (aujourdhui 100 millions de personnes groupées au sud) et de tribus du Nord du pays sont venus sajouter, entre 1700 et 1000 avant J.-C., les Aryens, envahisseurs venus du Nord par la passe de Khaybar. On dénombre aujourdhui plus de 1600 langues et dialectes, dont 15 importants. Lhindi, langue officielle, est en progrès (30 % de la population), mais langlais, parlé par toutes les élites, reste la langue véhiculaire. Lhindouisme, religion majoritaire, saccompagne du système jati, inégalitaire, qui divise la société en castes et qui, malgré son interdiction par Gandhi, structure encore les rapports sociaux dans le pays (plus de 100 millions de Harijans, les intouchables). Les problèmes démographiques sont à la mesure du pays; en dépit de succès notables du planning familial, lexcédent naturel dépasse 18 millions de personnes par an, doù des problèmes insolubles déducation et demploi et un développement économique freiné. Plus de 70 % des Indiens sont encore des ruraux et lexode entraîne une explosion urbaine incontrôlée: plus de 20 agglomérations dépassent le million dhabitants. Économie LInde est la troisième puissance économique du tiers monde, après le Brésil et la Chine. Le développement du pays sest fondé sur un important héritage légué par la colonisation britannique (réseau de transports, ferroviaire en particulier, ports, infrastructures énergétiques, bases agricoles et industrielles, équipements dhygiène et de santé) et sur la mise en place dun système économique original qui a permis de parler de «modèle indien de développement» faisant coexister un secteur public puissant et de grands groupes privés nationaux (Tata, Birla). Depuis 1984, la libéralisation de léconomie est à lordre du jour, avec lallègement des contrôles étatiques, lencouragement de linitiative privée, louverture sur lextérieur et aux capitaux étrangers; ainsi, limage dune Inde socialiste sestompe. Lagriculture reste une activité économique de premier plan et emploie 62 % des actifs. Elle est fondée sur les cultures kharif, de saison des pluies (riz, millet, jute, coton), et sur les cultures rabi, de saison sèche (blé, orge, colza); les cultures de plantations comme le thé et lexploitation du bois (teck, bois de santal, bois de rose) constituent des exportations appréciables. Le cheptel est considérable mais sous-utilisé pour des raisons religieuses; la pêche apporte un complément de protéines indispensable. La révolution verte, les progrès techniques, lextension de lirrigation ont permis à lInde datteindre lautosuffisance dans le domaine céréalier mais la production reste soumise aux aléas climatiques et les disparités sont fortes. 40 % des ruraux, tenanciers et petits propriétaires, vivent encore dans la misère et, si les régions du Nord (le Pendjab en particulier) ont réussi leur décollage agricole, celles du Centre, de lEst et du Sud restent attardées. Les ressources du sous-sol sont relativement abondantes: houille, hydrocarbures (dont la production saccroît), fer, bauxite, manganèse. De plus, le pays renforce son potentiel hydroélectrique et nucléaire. Les industries lourdes (charbonnage, sidérurgie, pétrochimie, engrais) sont contrôlées par lÉtat mais le secteur privé couvre une gamme très complète de productions. LInde a même développé des branches de pointe comme la chimie fine, lélectronique, laéronautique, les armements. Le pays apparaît donc comme une puissance industrielle évoluée, capable de satisfaire à la plupart de ses besoins. Cependant, léconomie indienne souffre dun marché intérieur trop étroit, dune trop faible compétitivité internationale, dun réseau de transport saturé et dune pénurie de main-doeuvre qualifiée. Lindustrie se concentre dans les grandes métropoles du pays, le bassin de la Damodar apparaissant comme la principale région dindustries lourdes. Il faut enfin noter que lInde dispose dune recherche de haut niveau et de la première industrie cinématographique mondiale, ces deux domaines contribuant à son renom à létranger. Les atouts du pays sont donc importants, et ses difficultés économiques (fort endettement, inflation élevée) sont compensées par une croissance élevée. Amener lénorme masse démographique indienne à un niveau de vie décent reste cependant le vrai défi des prochaines décennies. Histoire La protohistoire de lInde est marquée par une civilisation urbaine, dite de lIndus (sites de Harappa et de Mohenjo-Daro, vallée de lIndus, 2500-1500 avant J.-C.), qui disparut peut-être du fait de linvasion des Aryens ou de la désorganisation de son agriculture irriguée. Lintroduction de la civilisation aryenne après le XVe siècle avant J.-C. nous est connue par les textes sacrés du Veda (recueil littéraire et religieux). Au VIIe siècle avant J.-C., cette civilisation, profondément marquée par le pouvoir religieux des brahmanes, sétend vers lest et se développe. Une réaction contre le système dorganisation sociale lié au brahmanisme (castes) sopère au siècle suivant, avec la naissance du jaïnisme et, surtout, du bouddhisme. À la même époque, le Nord-Ouest du pays connaît linvasion perse de Darius Ier, qui sempare de la vallée de lIndus et la constitue en satrapie (fin du VIe siècle avant J.-C.). Deux siècles plus tard, lexpédition dAlexandre met lInde en contact direct, mais bref, avec le monde grec (lart gréco-bouddhique du Gandhara sest développé plus tard, au début de lère chrétienne, au contact de la Bactriane largement hellénisée). Chandragupta fonde en 321 avant J.-C. la dynastie des Maurya, repousse Séleucos Ier, lieutenant dAlexandre, et établit un empire que son fils, le roi bouddhiste Açoka (vers 264-226 avant J.-C.), élargit considérablement. Après la chute de lempire des Maurya (début du IIe siècle avant J.-C.), lInde subit une nouvelle invasion (indo-scythe) et le royaume des Kushana se forme, accordant un rôle considérable à la culture hellénique (Ier-IIIe siècle après J.-C.). LEmpire andhra des Çatakarni sétablit en même temps dans le Dekkan. Avec la formation de lEmpire gupta (IVe-VIe siècle), lInde retrouve son unité et connaît une ère de grand éclat culturel. Cest lâge classique de lInde, placée sous lautorité dune dynastie nationale. Mais linvasion des Huns, au VIe siècle, provoque léclatement politique de lInde du Nord; le Dekkan est le lieu dun bel essor de lhindouisme (art dAjanta, de Tellora). La conquête musulmane, commencée par le Turc Mahmud de Ghazni (999-1030), est poursuivie par le prince iranien Muhammad de Ghor à la fin du XIIe siècle. Le sultanat de Delhi, qui avait rendu à lInde son unité, ne résista pas à linvasion de Tamerlan (1398-1399) et se trouva morcelé en une multitude de principautés musulmanes et hindoues en lutte perpétuelle. Grâce aux contacts avec lislam, les échanges commerciaux, intellectuels et artistiques sont en plein essor; en 1498, Vasco de Gama débarque à Calicut à la recherche dépices. Un descendant de Tamerlan, Baber, fonde lEmpire moghol, qui atteint son apogée du règne dAkbar (1556-1605) à celui dAurengzeb (1658-1707), après quoi lInde est à nouveau morcelée. De la fin du XVe siècle jusquau XVIIe siècle, les contacts avec les Occidentaux, Portugais, puis Hollandais, enfin Français et Anglais, furent dabord commerciaux (création des Compagnies des Indes orientales). Au XVIIIe siècle, Dupleix, gouverneur des Établissements français en Inde, intervint le premier dans les querelles indiennes, afin dobtenir des concessions territoriales et de créer un empire colonial. Désavoué, Dupleix dut laisser le champ libre à la Compagnie anglaise des Indes qui lemporta définitivement après la défaite de Lally-Tollendal (1761). Devenue une colonie rattachée à la Couronne (1858) après la Grande Mutinerie ou révolte des cipayes (1857-1858), lInde est transformée par les Anglais (qui confient des postes importants aux Indiens): impôt foncier, justice, voies ferrées. En 1877, la reine Victoria est proclamée impératrice des Indes. Mais, dès la fin du XIXe siècle apparaissent des revendications politiques, incarnées surtout par le parti du «Congrès»: demande du statut de dominion (1885), dune participation politique et de la création dune industrie nationale. Au début du XXe siècle, lopposition nationaliste prend un caractère terroriste. Cependant, Gandhi, porté à la tête du mouvement national, tout en se battant pour lindépendance, refuse la violence et préconise la «désobéissance civile». Londres accorde en 1919 (Government of India Act) une représentation indienne dans les assemblées locales et centrale; en 1935, un nouveau Government of India Act crée une réelle autonomie, mais la Seconde Guerre mondiale, les engagements pris par les Britanniques rendent inévitable lindépendance; elle est accordée en 1947, mais lantagonisme irréductible entre les hindous et les musulmans oblige les Anglais à procéder à une partition de lancien empire des Indes en deux États: lUnion indienne et le Pakistan. Ce partage provoque de nombreux massacres entre les deux communautés et dimportants déplacements de population; il sera à lorigine de conflits entre les deux États au sujet des frontières du Cachemire (1947, 1957 et 1965). Après lassassinat de Gandhi (janvier 1948), lInde, dotée dune Constitution de type parlementaire, calquée sur celle de la Grande-Bretagne, se donne comme chef du gouvernement le pandit Nehru, qui engage son pays dans la voie dun État moderne en créant une puissante industrie lourde. Sa politique internationale, fondée sur le principe du neutralisme, donne à lInde une place capitale parmi les pays du tiers monde. En 1962 éclate un conflit avec la Chine au sujet du Tibet. Après la mort de Nehru (1964), puis celle de son successeur, Lal Bahadur Shastri (1966), Indira Gandhi, fille de Nehru, devient Premier ministre. Elle se heurte à de graves problèmes politiques (opposition des «grands féodaux» et des révolutionnaires), qui se doublent de problèmes économiques liés à la démographie. À lextérieur, en 1971, lInde favorise, par une nouvelle guerre (après celle de 1965) contre le Pakistan, la naissance du Bangladesh (ex-Pakistan oriental). En mai 1974, lInde fait exploser sa première bombe atomique. En 1975, le Sikkim est annexé, devenant le vingt-deuxième État de lUnion. Face aux problèmes économiques et à une violente contestation politique, Indira Gandhi instaure, de 1975 à 1977, létat durgence et fait arrêter des milliers dopposants. Battue par la coalition des partis dopposition en 1977, elle doit laisser le pouvoir à Morarji Desai. Mais ce dernier ne réussit pas à redresser la situation économique, et les élections de 1980 sont un triomphe pour la fille de Nehru. Cette seconde partie du «gouvernement Indira» est marquée par un essor économique régulier, mais aussi par laccentuation des particularismes culturels, qui culmine en 1984 avec lagitation sikhe, lassaut donné par larmée au Temple dor dAmritsar et lassassinat du Premier ministre. Son fils, Rajiv Gandhi, qui lui succède, remporte les élections de décembre 1984. En 1986, lArunachal Pradesh et, en 1987, le Mizoram et le territoire de Goa deviennent États de lUnion indienne. En 1989, compromis dans des scandales financiers, R. Gandhi est battu par son ancien ministre de lÉconomie, V. P. Singh. En 1990, au Cachemire, sous administration directe de New Delhi depuis janvier, les graves violences dont est victime la minorité musulmane mettent en évidence la recrudescence des tensions religieuses, sur fond de déséquilibre social. V. P. Singh démissionne en novembre 1990 et C. Shekhar, dont le parti est minoritaire mais soutenu par R. Gandhi, devient Premier ministre. Il démissionne en mars 1991. R. Gandhi est assassiné pendant la campagne électorale; néanmoins et malgré les progrès de la droite hindouiste, le parti du Congrès remporte les législatives de juin 1991, et le nouveau président du parti, Narasimha Rao, devient Premier ministre. Sur le plan international, lInde sest illustrée, dans cette période, en prêtant main-forte au gouvernement du Sri Lanka dans sa lutte contre les séparatistes tamouls (1987-1989). Elle a également fait peser sur le Népal un blocus économique qui ne fut levé quen 1990, après dimportants changements politiques à Katmandou. Suite à leffondrement de lU.R.S.S., N. Rao a accéléré louverture du pays sur lOccident et la libéralisation de léconomie. Depuis 1990, la montée du fondamentalisme hindou qui sest traduite par les succès électoraux du parti Bharatiya Janata ou Parti du peuple indien (B.J.P.) est à lorigine daffrontements entre hindous et musulmans. Par ailleurs, de violentes secousses ethniques ébranlent le pays dans ses zones de vulnérabilté (Jammu-et-Cachemire, Assam, Bihar). En 1996, avec la victoire des hindouistes du B.J.P., aux élections législatives, la laïcité de lÉtat est mise en cause
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